le corps bouge, lascif, entourés de longs pans de tissus, le corps flotte, il vole, stellaire, éthéré, sublime, au dessus de tout.
au dessus de tous soupçons. papillon éclatant, papillon fragile. il bouge, il s'élance, il sautille, il brille, il étincelle. le corps n'est qu'une enveloppe, une carapace. lentement il s'accroche aux pans de soie, s'y tient comme si sa vie en dépendait, et finalement il chute, se laisse tomber, laisse le textile caresser sa peau presque nue. l'illusion est parfaite. on le croirait tombé de la lune, on le croirait irréel, baigné de cette lumière froide, factice, incertaine. on le croirait divin.
il n'est rien de tout cela.
au sol, il soupire, mime sa mort, ses adieux, et s'il ne doit pas penser, il pense cependant. il pense à ce qui l'a amené ici, et les spectateurs sont conquis. il danse, il s'exhibe, mais jamais trop, il se donne, mais jamais assez. juste un peu. pour eux. pour lui. pour tous. il se préserve, toujours un peu, caché derrière son masque d'expressions froides.
comme s'il n'était déjà plus là.
déjà parti.
dans leur âge d'or, ils étaient trois. le soleil, étincelant, veillant sur tous les autres, la terre, modelée à la perfection, mère de la vie, et lui. lui, la lune. un ange, veillant sur la vie, veillant sur la terre, gardant en son sein tous ses secrets. confident, et ami. éternel ami.
et les autres commencèrent
à jalouser la terre.
la terre était forte, plus forte que tous réunis. la terre avait amené la vie, elle et le soleil. un couple divin, presque évident, finalement. en elle, elle avait porté l'eau, un bouillon propre à développer quelque chose de différent, quelque chose que personne d'autre n'aurait. elle avait modelé la flore, et elle avait modelé la faune. le soleil la protégeait, la réchauffait, veillait sur elle. et lui...
il suffisait de te toucher
pour ébranler les autres.
ils le répétaient, encore et encore dans son dos. il n'avait rien fait, personne n'aurait dû l'inclure dans l'équation. finalement il n'était qu'une ombre de mauvaise augure. un rocher stérile. bien sûr, terre ne voulait pas le blesser, elle était douce, attentionnée avec lui, et soleil s'efforçait de ne pas en parler. mais tous deux savait qu'il était de trop, les autres avaient raison.
tous les regards
braqués sur les hommes.
il les regardait évoluer, se mouvoir, venir au monde et s'éteindre, comme l'avait fait les étoiles, mais bien plus vite. au fond, qu'est-ce que c'était, une vie humaine ? il n'avait même pas le temps de s'attacher, ils disparaissaient. et pourtant, ils le fascinaient, il les aimait. ils étaient si précautionneux, ils remerciaient la terre, ils remerciaient le soleil, et ils le remerciaient lui. de quoi ? il ne savait pas trop. d'exister, sans doute.
tu aurais pu être
une divinité.
c'est ce qu'ils dirent de lui, alors qu'ils commençaient à puiser dans les ressources que leur offrait terre. il était divin. il était tout puissant. en opposé au soleil, à la vie, à la lumière, il était la lune, la mort, les ténèbres. pourtant ... il n'avait rien demandé, mais lui qui n'avait pas conscience du bien et du mal vit son orgueil flatté par l'attention qu'ils lui portaient.
entre l'ombre et la lumière,
face visible et face cachée.
il était à bonne distance, entre terre et les autres. et les autres commençaient à parler, trop fort, trop souvent. terre avait été idiote de créer des êtres doués de raisons, une espèce qui prenait le pas sur les autres. une espèce supérieur, les hommes. lui s'était attaché aux animaux qu'il avait vu évoluer, aux plantes qu'il avait vu grandir, mais les hommes... les hommes semblaient se méfier de lui à présent, lui porteur du hasard, des marées et des vents, des récoltes avortées et des pires malédictions.
encore une lueur,
un sourire du soleil.
s'il était le confident de terre, son ami, il observait toujours le soleil. sans doute parce que les hommes avaient décidés qu'ils allaient de pair, jusqu'à comprendre qu'il ne pouvait pas briller sans lui, il était dépendant. finalement, tout sa vie il serait dépendant. cela ne semblait pas déranger soleil, lui était tendre, compréhensif. quand terre était trop occupé, il le lui portait de l'attention et le laissait disparaître, le temps d'une journée, le temps d'une étreinte.
tu me manques.
des mots soupirés, trop bas pour qu'elle n'entende. il regarde terre, avec angoisse. il était là à chaque catastrophe, à chaque fois qu'elle pleurait, qu'elle avait besoin de sa tendresse. il était là. et puis ils s'étaient mis en tête de venir marcher sur lui, de conquérir l'espace, et tout avait changé. terre avait changée. terre était distante, pourtant il ne se passait pas une révolution sans qu'il ne lui souffle tendrement qu'elle lui manquait, qu'elle était belle, qu'elle était forte...
elle était partie.
il scrutait la terre, comme un enfant abandonné. il scrutait la terre de peur de ne pas la voir, quelque part, à la surface, incarnée. quel visage aurait-elle pu prendre ? ça le rendait curieux, il demeurait là, dans le ciel, comme pour veiller sur elle, veiller à ce qu'elle ne manque de rien. sans jamais la voir, comme si tout à coup il avait été trop loin, ou les hommes étaient trop nombreux. une foule méprisante, qui se fichait de savoir que leur créatrice foulait le même sol qu'eux.
tu les détestais.
heureusement, il était là. le soleil. il restait là, à le regarder les détester, à essayer de le convaincre, à essayer de lui faire comprendre qu'il serait là, et que les hommes étaient bons, que les hommes étaient perdus. mais il n'était plus capable d'écouter, il l'ignorait, il éludait leurs longues discussions, leurs moments de proximité.
si tu reviens pas, je me laisse tomber. je vais le faire, cette fois.
mais le soleil était un enfant lui aussi. le soleil avait besoin de la lune, il avait perdu sa terre, il avait besoin qu'on l'écoute, qu'on l'observe. il avait besoin de briller dans les yeux de quelqu'un, il avait besoin qu'un l'aime. et il lui avait tourné le dos. il avait délibérément choisi de ne plus répondre, de faire le mort. c'était une mauvaise décision, et maintenant il le regrette encore.
cette fois-ci je saute, tu pourras pas m'arrêter.
persuadé qu'il ne le ferait pas, lune n'écoute pas, il se contente de l'ignorer, de lui faire mal, comme il a eut mal. et l'éclat du soleil s'amenuise. soudainement. il sait qu'il a fait une erreur, mais c'est trop tard. il n'a pas réfléchit. il n'a pas entretenu ce qu'il y avait entre eux. et soleil s'est incarné. alors il observe avec attention la surface de la planète, de peur que les choses se passent mal pour lui.
s'il tu avais pu pleurer, tu l'aurais fait.
il s'était retrouvé seul, dans un ciel duquel les étoiles se détachaient, la peur au ventre. il s'était retrouvé seul, loin des deux êtres qui avaient donné du sens à sa vie. il s'était retrouvé seul, avec ceux qui l'avait traîné dans la boue. il s'était retrouvé seul et... la présence des autres était de trop. lourde à porter. c'est comme si tu avais sans cesse sentit leurs regards sur toi, pour te dire que c'était ta faute, qu'ils étaient partis par ta faute.
alors tu t'es laissé tomber
avec l'espoir de les retrouver.
et du ciel il s'est décroché, sans savoir où il allait. il est tombé sur londres, une ville comme une autre, et les hommes l'ont observé, l'ont couvert. les hommes l'ont accueillit et l'ont protégé. mais il ne pouvait ravaler sa rancœur. tout cela, c'était leur faute. elle était partie par leur faute. il a écouté, les premiers qui lui ont parlé, des artistes.
les fils des étoiles.
une grande ironie dans cette divine comédie. avec eux il marchait sans fil et se jetait sans filets. pas de sécurité, juste du spectacle. pas de mensonge, juste le corps, brute et la volupté d'un instant, comme un défi au temps, un défi à la mort. l'idée l'avait charmé, alors il était resté, il avait suivi jusqu'à ce que ses pas le mènent à polaris.
ville de promesse,
ville maudite.
c'est au milieu des étoiles qu'il était tombé, et c'est celles de polaris qu'il ne cessait de croiser. jusqu'à voir le visage du soleil au détour d'une rue, sur une grande affiche. il avait tout apprit des hommes, sauf aimer. aimer c'était dur, aimer c'était s'offrir, et lune n'avait rien à offrir, sinon lui. mais lui ce n'était rien, pas grand chose, pas suffisant pour qu'on s'y intéresse. à présent qu'il n'était qu'un homme.
de toutes les mains,
tu choisis la plus fragile.
une simple annonce, il avait besoin d'un toit, on en proposait un, à un prix dérisoire. finalement survivre n'était pas si dur. les hommes n'y mettait aucune volonté. ren. il ignorait s'il l'appréciait ou s'il le détestait, ren était particulier, derrière son sourire, parfois, il se reconnaissait, et c'était dérangeant, ren aurait pu être une étoile, finalement, il n'aurait suffit de rien pour le rendre stellaire.
n'osant pas l'approcher,
tu préfères te terrer.
l'histoire est terrible, mais il passa souvent sous les fenêtres du grand soleil, pour guetter une silhouette, un regard, un sourire, de ces sourires, cette chaleur qui le ravissait. aucun contact cependant. il n'en était pas digne. il préférait rester loin. puisque lune avait un secret, lune n'aimait pas les hommes,
lune savait tuer
et il ne se faisait pas prier pour le faire.
exécuter les ordres,
danse macabre.
peu importe d'où ils venaient, finalement c'était facile. ça ne demandait pas de sentiments, au contraire c'était mieux de ne pas en avoir, c'était mieux de faire abstraction. une existence, ce n'était rien, une existence a balayer, pour faire un peu de place. tu exécutais tant qu'on payait, c'était ta règle, et c'était facile, au début. au début oui...
et puis un mot,
un prénom, une identité.
nash miller. une adresse, et puis symboliquement la balle. dans une enveloppe. c'était comme d'habitude mais il avait fait l'erreur d'approcher, d'un peu trop près. il le connaissait, un de ces humains qu'il observait, de là-haut. un de ces humains qui avait du sens. un de ces humains qu'il ne détestait pas. il n'arriva pas à s'y résoudre.
s i l v e r.
finalement, il n'y mettait aucune volonté non plus, à survivre. bien sûr, il avait un toit, de l'argent, mais ça ne lui importait pas. il était aussi hypocrite que les hommes qu'il avait tant hait. depuis son arrivée, il n'avait pas osé le chercher. silver. argent, comme lui, là-haut dans le ciel. il observait l'écho de ce qu'il avait été, mélancolique.
tu me manques tellement.