✨ d a r k s t a r

N'IMPORTE OU HORS DU MONDE
cette vie est un hôpital où chaque malade est possédé du désir de changer de lit.

— baudelaire, le spleen de paris.

le portrait encadré exposé contre le mur est intact, protégé de toute poussière, tel un trésor inestimable, gem luisant ses plus belles nuances. larges sourires sont peint, conte de la famille parfaite battant en son sein. leurs mines sont sincères, reflètent l'alchimie, le bonheur. ils se souviennent avoir déballé les beaux habits pour l'événement, une occasion rare, d'avoir l'air presque normal, d'être dans les baskets de ces gens plus chanceux. le gel dans les cheveux, le dos tenu bien droit, le col et manches retroussées, le tableau baigne dans la lumière, perché dans la salle à manger, faisant face au monde, à la vie qui réside au delà de ces murs défaitistes, mourants et délavés. trésor plus précieux que n'importe quelle autre fantaisie, il est philosophie, spiritualité, religion, la poigne légère et aimante contre la paume de celle du christ, protégeant leur logis. il est espoir, rappelant à chaque seconde, à chaque instant, ce qui pourrait advenir. tant bourreau que justicier, tendant le baton pour abattre réalité, l'amertume sur le palais, il panse, d'un toucher doux, désolé.

genoux liés, yeux clos, mains jointes, il prie, fils de dieu au destin imprimé en sa chair, prie les pères pour leur bienveillance, leur bénédiction. il prie, pour d'avantage de pain, une bourse bien remplie, moins de chagrin. la jeunesse embrasse ses joues rondes malgré assiettes à moitié vides, un contrastre avec le reste de son corps, faible, à fleur de peau. il peut le lire dans leurs yeux familiers, la pitié, la culpabilité, l'impression d'impuissance, face à ce gamin qu'ils ne peuvent sauver. ça les agace, ce sourire, qu'il arbore constamment, en toute circonstance. ce que le peuple veut, c'est le voir craquer, s'effondrer, prouver qu'il y a bien une once d'humanité dans ce petit corps blessé. c'est simple, d'être spectateur, de plaindre, d'ajouter du fioul au feu en ne faisait rien, jamais rien. on lui donne des grimaces peinées, des tapes sur l'épaule, des coups de couteau dans le coeur, en lui rappelant à chaque instant qu'il est le misérable, le radeau à la dérive.

comme tu tiens à ta pureté, mon petit gars ! comme tu as peur de te salir les mains. eh bien, reste pur ! la pureté, c'est une idée de fakir et de moine. vous autres, les intellectuels, les anarchistes bourgeois, vous en tirez prétexte pour ne rien faire. ne rien faire, rester immobile, serrer les coudes contre le corps, porter des gants. moi j'ai les mains sales. jusqu'aux coudes. je les ai plongées dans la merde et dans le sang.

les années défilent, loin d'être aussi rapides que les films ne le laissent paraître. la pilosité apparaît, les questions se multiplient, les goûts changent, c'est une phase déstabilisante qui peut durer, et durer, jusqu'à ne jamais cesser, si on ne réalise pas le poison se dégageant de cette naturelle maturité. il échappe à cette phase nommée populairement crise, ne fait pas de bruit. amael est l'ange, pure, altruiste, bienveillant, aux idéologies passionnées, aimantes. elles font battre son quotidien, le relèvent lorsqu'il chute à l'abris des regards, lui murmurent promesses de récompenses, des trésors luisant dans ses rêves les plus profonds. il les imagine, vêtir sa silhouette, nourrir sa famille, rebâtir ses cloisons, prouver que rien n'est, définitivement. que la seconde chance, les bénédictions, ne sont que mythes, qu'une entité supérieure est la pour les protéger, même au coût de conditions. d'un mal pour un bien.


le hurlement rauque et harassée agresse chaque parcelle de la demeure, faisant frémir les murs et plafonds par la violence de son élocution. la sueur cascade contre l'étendu de son front, nervosité et panique se noyant en ses orbites à la cadence de sa poitrine haletante. les images sont fraiches, morbides et vives dans les confins de sa tete. on imagine que ce n'est qu'un mauvais rêve, que cela va passer, qu'il n'y a pas à s’inquiéter. pourtant, il ne s'en va jamais, il reste pour hanter. il plane au dessus de lui à chaque bâillement, ne l'épargne jamais lorsqu'il est trop faible pour l'ignorer, la fatigue ayant raison de lui. et la boucle recommence, encore et encore, avec de nouvelles images, de nouvelles horreurs qu'il réalise ne sont pas que de mauvais rêves, au creux de ses paumes, imprimées sur le papier. la peur gagne, s'étend, créer des brèches de vulnérabilité pour ce demon qui semble vouloir l'étouffer. le ruiner. il est joueur, lent, propage son poison lentement, en commençant par sa sanité, puis ses valeurs, murmurant vices au creux de son oreille, le forcant à le faire malgré ses tremblements, ses prières. il se perd, et amael sait que c'est le démon, qui a fini par le posséder.

l'adrénaline comme flux sanguin, il transpire, nerveux, excité, en manque. le sac à dos abandonné lamentablement dans un coin poussiéreux, il s'adosse, manche retroussée, contre une parois vide, aussi délavée de vie que lui. son ongle jaunâtre tabagiste tapote la seringue à quelques reprises, la dénudant longuement. sa lancée est faible, hésite à la racine de son arbre, bascule la tête en arrière, prunelles fixées vers un univers plafonné. la griffe écorche finalement sa peau, le pouce déversant les enfers. ses épaules se relâchent, alors qu'il tombe enfin à terre. libéré.

la bête de foire, le clown, le perdant, la risée de la famille, son dos cautionne toutes les appellations une fois le talon posé dans l'arène caesar ave. amael est maintenant habitué, s'affale simplement et s'évade loin des tortionnaires qui l'attendent à chaque seconde écoulée dans le monde éveillé. tout ce qu'il attend, c'est de pouvoir vibrer, se déhancher aux son des basses hypnotiques, livré à la débauche, loin de l'élitisme, et des gamins friqués. elles sont son sépulcre, et son tremplin à la fois, elles sauvent et l'assassinent en une question de secondes, une fraction de rien. ces fêtes, on les lui interdisait. or amael s'est enamouré du risque, de l'interdit. il l'embrasse sur la bouche, le tient par les hanches, joue avec, en un tango enflammé. tout comme il s'exhibe, s'adonne à la luxure, aux touches addictives d'un pure étranger. il ne connaît pas son nom, ne se souviendra probablement pas de son visage non plus. pourtant il le berce, le fait vivre, le fait lâcher prise, et perdre contrôle. malgré des ébats confinés, les corps ne sont pas entièrement soumis au privé. des regards curieux se nourrissent, murmurent et s'étonnent, d'un amael, et d'un inconnu x ou y qu'on aurait imaginé. hors du moule, différents. que le corps lui ressemble, ou soit différent, là qu'importe. il aime, dévore avec passion, épris du moment, le vivant comme jamais, comme une bouffée de vie, de renouveau.

alors que chaque lendemain, n'est que réalisation de sa propre perdition, les yeux noyés dans son impuissance face à un reflet qui n'est plus le sien.


l'esprit brouillard, le néant blanchâtre au creux de ses prunelles célestes, le gamin sèche du revers de sa fébrile main l'humidité naissante contre sa peau porcelaine, fruit de son esprit torturé. les sombres poches habillant ses traits, dessinées à l'ancre permanente, sont plus prononcées que jamais. des tâches noirâtres virant au gris saturé se propagent contre ses joues rosées, son maquillage gâché, ruiné par la faiblesse de sa conscience, de ses maux. ses pensées sont hantées, maudites. ses démons, tapis dans l'ombre, se font chasseurs, s'arment de leur dague la plus aiguisée pour le déchirer, tant de l'intérieur, que de l'extérieur. la conscience d'être proie est une évidence pour l'enfant au regard brisé, l'expérience de la traque, de la survie plus que réelle et vive en ses sens. pourtant la confusion et l'impuissance demeurent, s'encrant en ses pores telles des griffes acérées, prêtes à le mettre à nu et le dévorer. perdu. c'est ce qu'il est. perdu dans les étoiles, hors du temps, hors des frontières humaines, hors de lui même, incapable de mettre un nom sur les névroses de son esprit, destiné à les subir en martyr. recroquevillé sur lui même, le souffle court, amael n'arrive pas à respirer, lutte à laisser l'oxygène pénétrer ses poumons. un gémissement peiné se dérobe de ses lèvres écorchées, tandis que des rivières deviennent océans, ses orbites brûlantes par des flots colériques, dans lesquelles le petit ange se retrouve naufragé.

l'autodestruction danse avec la mort, pantins de ce démon ayant pris possession de son corps, son humanité. il est étranger, à lui même autant qu'aux autres. on se demande ce qui a bien pu arriver, à cet exemple qu'était le petit ange, comment est-il possible, d'autant se perdre, et ne jamais plus se retrouver. on le fuit, le regarde de travers, murmures assassins comme symphonie torturant son quotidien. on pense sa place entre quatre murs blancs, pilules au fond de la gorge, parmi ses frères, les tourmentés, les fous. on pense sa place sur un lit, les poignets et chevilles liées, le crucifix pointé en sa direction. ils pensent à beaucoup de monstruosités, elles déchirent, le poignardent, pourtant, amael leur donne raison. qu'importe si cette entité se nomme astre, elle reste un demon, dont le but et de se débarrasser de lui, de toute trace de son existence.

et il pleure, amael, en realisant que malgré sa résistance, toutes ses tentatives pour lui resister, peut être il ne peut gagner, contre cet étranger beaucoup plus armé.

rest in pieces peace of mind