((pacify him))

Il n’y a rien à dire, pas vraiment. Il n’est personne, ou si peu.

Ombre d’une ombre. Saem, c’est l’erreur, l’enfant de trop, celui qu’on n’avait pas désiré dans la fratrie. Déjà quatre garçons, il n’est pas la fille qu’on a espérée, il n’est qu’un enfant de plus. Il ne fut pas plus aimé que les autres, ni moins, juste ce qu’il faut. Juste au début. Ses doux sourires, ses rires rempliraient rapidement la maison morne, jusqu’à en devenir le préféré.

Saem soupire, marche lentement. Ses doigts n’ont depuis jamais lâché ceux de sa mère, durant le chemin vers l’école, les longues balades au bord des rives et sa main libre qui se tend vers le ciel étoilé. Il confesse son envie de voir toutes les étoiles dans sa main, qu’il soit le seul être brillant dans ce monde ainsi tous les regards ne se porteront que sur lui.

Il aurait dû faire un autre souhait.

Il y’a un sourire sur ses lèvres écorchées, souvenir d’une bagarre d’enfant au coin de la rue. Les mots mesquins et la main qui vient le protéger. Miram, le nom qu’on souffle à son arrière et un sourire qui ne l’a plus quitté. Présence rassurante, devenue étrangement protectrice au cours des années sans qu’il ne le réalise lui-même. Meilleur ami, Saem n’en avait jamais eu avant, il n’a pas de modèle mais il aime le savoir à ses côtés.

Il y’a la cachette de papa, au sous-sol, deuxième rangée en allant de la droite. Les liqueurs luxueuses disposées comme des bijoux. Il en ouvre chacune, à tour de rôle, en prend quelques gorgée à peine, de quoi ne jamais éveiller de soupçons. Plaisir précoce. Goût amer auquel il s’est doucement habitué. Simplement ivresse d’adolescent, il rit seul. La solitude est souvent ce qui l’accompagne, ses rapports avec l’extérieur sont rares. Il est différent, un peu décalé, derrière son dos on le traite de taré.

Il déambule dans les rues, le ciel beau au-dessus de ses têtes. Rêveries de fin d’adolescence, une première fois sans saveur. Tout comme celles qui la suivront. Simplement parce qu’il faut le faire. Pour être comme le reste. Copie confirme d’un moule aux craquelures diverses.

Ciel bleu au-dessus de sa tête, en short, les jambes nues et le corps penché dans le vide. Adrénaline qui ne dure que quelques minutes jusqu’à ce qu’on le retrouve. Il ressent la première fois le vide en lui quand son regard se jette dans le gouffre à ses pieds. Comme un miroir, il se reflète sur ses iris noirs. Deuxième tentative, il se penche encore plus, il ferme les yeux juste un instant avant qu’une douleur atroce ne le prenne à la poitrine. Il se sent brûler et suffoque, plusieurs minutes que le supplice dure avant de s’évapore. Comme un rêve. Il voulait les étoiles, Saem ne sait qu’une étoile vient de se réfugier en lui. Sirrah.

L’incompréhension.

Partout. Tout le temps. Saem ne comprend plus, ses lèvres malmenées par ses canines parfois jusqu’au sang. Les mots lui reviennent en tête, un taré, et il commence à les croire parce qu’il n’y a pas d’autres solutions, il se voit lentement devenir fou, témoin oculaire et silencieux de sa propre chute. Il se réveille dans des endroits qu’il ne reconnait plus, trouve des numéros inconnus sur son téléphone, de nouveaux vêtements dans son dressing qu’il n’a pas le souvenir d’avoir acheté. Pire que tout, ce sont parfois des heures rondes qui sont absentes de sa mémoire, plus rarement des journées entières. Et il ne comprend pas ce qu’il lui arrive. Comme s’il n’était plus seul à l’intérieur.