la vie est injuste (mais ça dépend pour qui)

valériane avait, depuis toujours, été terriblement claire. elle était l'aînée. tu étais le cadet. c'était comme ça. alors tu courbais l'échine, tu baissais les yeux. tu acceptais. on te l'avait appris très tôt : dans ce monde, il fallait accepter les choses. peut-être que les rebelles vivent heureux. mais ils vivent certainement moins longtemps. maman et papa n'avaient jamais été particulièrement présents. ce n'est pas que tu les détestais, mais ils étaient la cible de toutes tes rancunes, toutes tes colères - et dieu sait qu'elles étaient nombreuses, à l'époque. elles le sont encore, probablement. tu ne peux pas t'arrêter de haïr, clyde. tu ne peux juste pas t'arrêter d'être en colère.

tu n'as pas vécu d'enfance difficile. c'est à peine si tu as eu une crise d'adolescence. aucun problème d'argent. il était omniprésent, pour le meilleur comme pour le pire. aucun problème avec tes camarades d'école, puisque tu n'y allais pas. tu n'allais pas te mêler à la plèbe. aux pauvres. hors de question. ce n'était pas ton choix de ne pas te mélanger aux autres, mais tu n'y voyais aucun inconvénient. les études t'importaient peu : tu étais issus d'une famille on-ne-peut-plus riche, tu n'étais pas trop con et tu avais du talent. ce que tu voulais, c'est être acteur. peut-être bien que c'était la seule passion qui t'animait. tu n'en savais rien, mais ça ne t'aurait pas étonné.

tu es une coquille vide, clyde. un rien du tout. un sale gosse ? même pas. tu étais sage. terriblement sage, même, un ange, on ne pouvait que te faire confiance. tu avais même un visage, une attitude qui poussait les gens à se confier à toi sans même que tu ne le demandes ; tu étais quelqu'un d'apprécié. tu prenais des cours de théâtre, et tu excellais. évidemment. comment un tanoshi aurait-pu faire autre chose qu'exceller ?

aucune vague dans la mer sombre. une mer sombre, calme, glacée. si tu te noies, clyde, personne ne pourra venir te remonter à la surface. c'est à toi de faire tout le travail, seul. tu dois garder le contrôle.


c'était trop facile. tu étais là, debout grand et fort devant l'audience, on applaudissait. clyde, comme les gens t'aimaient ! comme ils t'adoraient, clyde. tu es une étoile. tu es un dieu. un dieu au visage d'ange. un dieu au coeur d'or. aux mains d'or. tu es fait d'or, clyde. les zéros s'alignent, tu es d'une beauté fragile et de luxure, tu irradies. et ils t'applaudissent. ils en redemandent. c'est toi, clyde. le plus puissant des tanoshi. le plus puissant de tous. personne ne peut te détrôner.

c'est trop facile.

il y avait andreas. ton élève. tu l'aimais. tu l'aimais. tu l'aimais. tu aurais été prêt à tout lui donner, sans condition. ta vie même. il ne voyait rien. alors tu as pris les devants, parce que rien n'aurait pu t'en empêcher. tu étais un dieu et il était... tu ne savais pas. pourquoi est ce que tu ressentais tout ça, soudainement ? il n'était qu'un adolescent, déprimant de banalité. et pourtant, tu l'aimais. pourquoi ?

oh.

andreas était ta seule faiblesse et tu adorais ça. tu en redemandes. tu en veux plus, plus, plus. alors, vous êtes ensembles. et vous vous aimez.

et il s'en va.

et toi, tu sombres. tu te noies. c'est comme si tu mourais en avance, comme s'il t'avait déchu. encore une fois, tu adorais ça. ce sentiment de faiblesse, clyde. quand était la dernière fois que tu l'avais ressenti ? personne sauf andreas n'aurait pu te faire ressentir toutes ces émotions. alors tu le poursuis. tu t'accroches. tu irradies d'amour. il ne pourra pas te résister, de toutes façons, pas vrai ? tu l'aimes tellement, qu'est ce que tu ferais sans lui ? sans son existence. il faut se rendre compte à l'évidence : pas grand chose.

tu serais prêt à tout pour l'avoir près de toi, pas vrai ? à tout. l'entraîner en enfer et sombrer tous les deux, quel qu'en serait le prix.